Des éclats de voix, le fracas des marchandises que l’ont transportent, les tintements des pièces d’or qui courent le long des étals : même si tout ce bruit lui monte à la tête, il ne peut s’empêcher d’afficher un large sourire de satisfaction. L’odeur est acre, un mélange de sueur, d’humidité, et de nourriture bon marché. Aujourd’hui Wally est parvenu à vendre quelques mélanges répugnants qu’il fait passer pour des remèdes miracles. Il ricane dans son foulard en imaginant les grimaces que tireront les riches dodus, qui avaleront ce mélange d’urine et d’eau de vie.
Le soleil a amorcé sa descente dans le ciel, frôlant en douceur la mer qui s’étend à perte de vue reflétant la lumière jaune, qui aura vite fait de disparaître. Il est temps de plier bagages et de quitter cette ville bruyante et polluée. Une fois son sac paqueté et déposé sur son dos, il se faufile à travers la foule en direction de son cheval, pour ensuite prendre la sortie de la ville.
Les sabots de sa monture foule l’herbe à travers la foret, le conduisant jusqu’à un petit éclaircis isolé où il a l’intention d’installer sa tente pour la nuit. Il aurait pu galoper à la noirceur jusqu’au campement de son groupe, mais la vérité c’est qu’il apprécie de pouvoir passer un peu de temps en solitaire, à l’occasion. Attachant son animal à un arbre, après l’avoir nourri et abreuvé, il décide de faire le tour du petit lopin de terre, histoire de s’assurer de la sécurité de l’endroit.
Soudain, un serrement au niveau de sa cheville, et il se retrouve propulsé dans les airs, par une corde que l’ont a piégé. Suspendu à un arbre, la tête en bas, son chapeau est resté au sol, et il met quelques instants à comprendre ce qui viens de ce passer. Un piège ! Il s’est laissé prendre par un foutu piège ! Gigotant dans tous les sens, il tente de se défaire de cette prise inquiétante. Qui donc à pu mettre un tel piège aussi près de la ville de Saint-Denis ? Ça n’a franchement aucun sens !
«Hé !»
S’exclame-t-il.
«Vous trouvez ça drôle ?»
Demande-t-il a voix haute, pensant d’abord à une blague de mauvais goût. N’est-ce pas le genre de blague qu’il aurait pu faire lui-même, après tout ? Fouillant ses poches, il brandit son pistolet. Le tenant en main, il tente de viser en direction de la corde, mais la tâche n’est pas aisé puisqu’il se balance toujours de droite à gauche.
«Bon sang...»
Il se concentre, avant d’appuyer sur la gâchette. Évidemment, la balle est partie dans le vide et il est toujours suspendu à cet arbre. S’il espérait passer une soirée en toute tranquillité, autour d’un feu de camp, c’est raté !
«Hé ! Ho ! Y a quelqu’un ?!»
Il soupir, déjà exaspéré. Combien de temps devra-t-il passer ainsi, avant qu’on ne vienne le délivrer ?
Saint-Denis… On ne pouvait dire que Kaede avait oublié les murmures de cette ville bruyante dans laquelle il avait vu son tout premier jour. ‘’Étranger, extra-terrestre, fou, servants du diable…’’ Ces paroles résumaient assez bien les mots qu’on lui avait soufflés à lui et sa famille qui avait traversé l’océan pour se réfugier à cet endroit maudit. S’il n’avait jamais connu son pays d’origine, il se résignait tout de même à croire que le voyage n’en avait aucunement valu la peine, encore moins pour ses parents qui avaient fini au bout de la corde pour un soit disant crime dont ils n’avaient point commis… à moins que donner naissance au coupable soit un crime tout aussi grave pour ces disjonctés mais la réalité est que Kaede avait surtout agis pour protéger les siens. Si ses intentions n’étaient pas mal fondées au tout départ, les choses avaient rapidement changés. À chaque coup de poignards porté contre sa victime, le déclic en lui se faisait de plus en plus grand; des émotions qu’il n’avait jamais ressenti autrefois avait inondé la coquille vide qu’était son corps et réanimer le cadavre qui l’habitait. Voilà pourquoi il hantait régulièrement cette ville et ses environs à la recherche de nouvelle proies pour le revitaliser.
Le visage recouvert de peinture, un sourire malicieux venu s’ajouter à son œuvre dès qu’il aperçut l’un des pièges qu’il avait posé dans les environs. Se balançant d’un bout à l’autre, il était clair qu’une proie s’y était prise tout récemment puisqu’elle n’avait toujours pas abandonné le combat. C’était d’ailleurs un coup de feu provenant de cet endroit qui l’avais précisément conduit jusqu’ici… après tout, il avait plus d’un piège à surveiller mais chacun était posé tout près l’un de l’autre. C’était assez ironique que ses proies cherchaient d’abord à se faire entendre comme si le fait qu’ils puissent être chassé ne leurs effleurait pas du tout l’esprit. L’homme était assez prétentieux. Kaede savait très bien que les armes à feu avait une portée beaucoup plus longue que sa sarbacane, alors il s’assurait toujours de poser ses pièges près d’un buisson ou tout autre chose qui lui permettrait de s’approcher discrètement de sa prise; c’est la technique qu’il emprunta pour lancer une fléchette imbibé d’un poison paralysant à l’homme. Il allait assurément attendre que celui-ci cesse de bouger avant de le détacher et de le trainer jusqu’à chez lui à l’aide d’une brouette et du cheval qui l’attendait un peu plus loin.
Il avait contourné le campement des Skinners Brothers afin de s’assurer que sa prise resterait la sienne et ne s’était arrêter qu’à la cabine où il résidait. Rien de trop émerveillant; étant un groupe qui se déplaçait à l’occasion, sa cabine était toujours une construction simple mais il s’assurait tout de même d’avoir un endroit digne de ses prises… au sous-sol. C’est donc là qu’il enchaîna le jeune homme pendant que l’effet du poison l’habitait, s’assurant qu’il ne bougerait point dès qu’il pourra à nouveau bouger.
«Voici Damare.» Dit-il, en pointant un homme enchainé à ses côtés. «C’est le nom que je lui ai donné.» Rajouta-t-il en lui tapotant la tête comme s’il s’agissait d’un chien. Damare ne bronchait point et il allait encore moins parler puisque sa langue avait été coupée! Que voulez-vous? Kaede avait eu un petit creux.
«Ne vous en faite pas, vous aurez l’honneur d’être nommé aussi, dès qu’on aura fait connaissance. Est-ce que vous pouvez parler?»
Demanda-t-il en s’assoyant sur une chaise avoisinante. Il prenait son temps, évidemment, il devait s’assurer que le poison ait bien quitté son corps avant de se mettre à l’œuvre; il serait dommage que les réactions de l’inconnu soient limités mais il pouvait tout au moins lui annoncer ce qu’il recherchait.
«Je veux savoir de quoi vous êtes fait… Je veux connaitre le moindre de vos secret.» Avait-il conclu en faisant tournoyer un canif entre ses doigts.
Le coup de feu de son pistolet n’a certainement pas manqué d’alerter le plaisantin, qui a osé installer ce piège. Ne reste plus qu’à attendre qu’il veuille bien se montrer le bout du nez ! Le jeune homme espère sincèrement qu’il n’ai pas la flemme d’attendre au lendemain matin. Passer toute une nuit dans cette posture n’aurait certainement rien d’agréable. Peut-être aurait-il du retourner immédiatement au campement des Lemoyne, en fin de compte. Son désir de solitude lui aura joué un bien vilain tour.
Perdu dans ses songes, et dans ses efforts toujours vain de se libérer du piège, il n’a pas remarqué qu’un individu particulièrement silencieux s’est déplacé jusqu’au buisson le plus près. Jusqu’à ce qu’un pincement au niveau du cou, ne le surprenne. Portant instinctivement la main à l’endroit touché, il retire une espèce de fléchette artisanale et la scrute d’un regard inquiet. Serait-ce ces foutu Amérindiens ? Pense-t-il d’abord, avant de chercher une présence autour de lui. Il ne voit pourtant personne, seul le vent fait doucement danser les feuilles.
Le jeune Walter tente de brandir son arme dans tous les sens, mais un engourdissement s’empare soudainement de son bras, puis ses doigts, si bien qu’il laisse stupidement tomber son arme au sol.
«Merde...»
Marmonne-t-il. Alors que l’engourdissement semble vouloir se répandre dans tout son corps, la panique commence à gagner tout son être. Cette fléchette était assurément empoisonner ! Va-t-il mourir, là, au bout de cet arbre ?
«Pourquoi vous…?»
Le charlatant n’a même pas le temps de terminer sa phrase que sa voix se dérobe tout comme le reste de son corps. Pourtant, il ne perd pas connaissance, bien au contraire. Il est là, sans pouvoir bouger, spectateur de tout ce qui ce passe.
Walter Jr. Imaginait déjà les Amérindiens débarquer et s’emparer de lui, mais qu’elle ne fut pas le surprise de voir un seul homme apparaître. Cet homme, bien que de petite taille, vaut pourtant bien toute une tribu à lui tout seul. Portant une longue cape noir, son visage est barbouillé de maquillage représentant la forme d’un squelette. Est-ce seulement un homme, ne peut s’empêcher de se demander le jeune garçon, qui est contraint de se laisser transporter par ce fou furieux.
La cabane dans laquelle il le conduit est aussi inquiétante que son allure. Isolée dans la foret, Walter Jr. aurait bien aimé pouvoir détourner le regard face à tous ces morceaux de cadavre, qui semblent décorer le petit bâtiment. Est-ce donc ce qui l'attend ? Finir en décoration morbide pour ce meurtrier sanglant ?
C’est au sous-sol qu’il le conduit pour l’enchaîner comme un vulgaire animale. À ses côté, un homme qui semble s’être résigné à son sort reste silencieux, même lorsque le tueur lui tapote gentiment la tête. Le regard du jeune garçon, lui, trahi sa terreur, mais il espère que ses actes n’en feront pas de même. Lorsque l’autre lui demande s’il a retrouvé la parole, il répond à son tour, par une question un peu osé :
«Tu veux quoi, espère de taré ?»
Savoir de quoi il est fait, connaître le moindre de ses secrets, rétorque alors l'autre. Vraiment ? Décidément quelque chose ne tourne pas rond chez ce type ! Ça n'a rien de très réconfortant.
«Et tu vas faire quoi ? Me torturer avec ton petit bout de canif ?»
Il lève la tête avec arrogance. Après tout, il fait partie des Lemoyne Raiders, pas question qu’il se laisse intimider par une capuche et un maquillage à deux sous ! N'est-ce pas?
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L'enfer, c'est les autres [violent]
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